LES FONCTIONS DU LANGAGE

 

La théorie de la communication

Partant du schéma de la communication, le linguiste Jakobson distingue six fonctions du langage :

- La fonction expressive

La fonction expressive manifeste la présence du destinateur (Je, nous, 1ère personne, etc. dans un texte). Si bien des images sont des produits impersonnels qui répondent à des commandes étrangères aux préoccupations de celui qui les réalise, toute œuvre d'art manifeste directement (par le choix du titre, des motifs et des thèmes, du point de vue, par les commentaires off...) ou indirectement (graphisme...) la présence de son créateur.

- La fonction injonctive

La fonction injonctive manifeste la présence du destinataire (Tu, vous, 2ème personne, impératif, infinitif à valeur d'ordre, etc. dans un texte). De Gaulle, dans un discours fameux, en fit un usage remarquable à la télévision, en regardant la caméra, ce qui donne à chaque spectateur l'impression d'être regardé, d'où qu'il observe l'écran, et en pointant successivement l'index à droite, au centre et à gauche, en répétant : « Vous, vous, vous ».

- La fonction poétique

La fonction poétique est un travail du destinateur sur le code, la forme du message qu'il ne se contente pas de copier sur ses devanciers, mais qu'il renouvelle (homophonies, recherche de rythme, etc. pour un texte, cadrage, composition, couleur, graphisme, etc. pour une image).

- La fonction phatique

La fonction phatique, qui concerne plutôt le canal, vise à vérifier que le contact est établi (allô, conversations sur la pluie et le beau temps, etc.).

- La fonction référentielle

La fonction référentielle manifeste l'existence du référent (il ou elle, 3ème personne des formes verbales, dans un texte, images du monde... ou images d'autres images, en peinture, en photo, au cinéma, etc.).

- La fonction métalinguistique

La fonction métalinguistique manifeste un travail sur le code (définition de mots, rappel de règles).

Voir Roman Jakobson, ouvrages cités

 On peut sans peine retrouver ce type de fonctionnement dans le « langage de l'image » :

 

 

 

1. Fonctions du langage et fonctions de l'image

Faut-il isoler, pour les soumettre à nos élèves, des images qui soient « purement » référentielles, ou expressives, etc. ?

Oui, sans doute, si on a seulement pour objectif d'étudier le fonctionnement de l'image.

Mais les lectures des élèves doivent d'abord alimenter leur réflexion, susciter leurs émotions, leur fournir des références qui les aident à se composer une représentation plus riche, plus cohérente d'eux-mêmes, des autres et du monde.

Enfin, le fonctionnement des images ne saurait être décrit à partir des seules fonctions du langage : l'esthétique et la connotation priment ici.

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2. La combinatoire des fonctions de l'image

Il faut insister sur le fait que toutes les combinaisons de « fonctions dominantes » sont possibles : les quatre points cardinaux de notre « boussole » peuvent se conjuguer de toutes les manières. Ainsi la fonction poétique est-elle souvent présente dans l'image publicitaire

L'analyse classique des fonctions du langage, à partir du schéma de la communication, par Jakobson, peut fournir les fondements théoriques d'une typologie des images à partir de la fonction qui y est en œuvre de manière dominante.

Cette classification présente un double intérêt :

- elle met en évidence la grande diversité des supports éventuels des travaux scolaires de lecture, qui devraient porter aussi bien sur les images imprimées, audiovisuelles, etc. que sur les textes écrits, les premières permettant souvent d'introduire à l'étude des seconds.

- elle suggère des approches adaptées à cette diversité.

- elle appelle deux précisions.

1) toutes les fonctions sont simultanément en œuvre, le plus souvent, dans chaque image.

2) le schéma répartit les images en neuf secteurs

Quatre secteurs « axiaux » correspondant à quatre fonctions du langage : injonctive, référentielle, expressive, poétique.

Quatre secteurs « intermédiaires » où figurent des images dans lesquelles s'exercent deux fonctions dominantes : ainsi, en publicité, montrer un produit, y renvoyer (fonction référentielle), et le faire acheter (fonction injonctive).

Une bande horizontale, réservée aux images qui ne relèvent pas de la lecture en classe de français :

- celles qui privilégient la fonction phatique : elle est, bien sûr, dominante dans les cartes du nouvel an ;

- celles qui privilégient la fonction métalinguistique (par exemple, les icônes de la légende des cartes de géographie).

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3. Conséquences pédagogiques de la classification proposée

3.1. Du point de vue des méthodes d'approche

L'axe vertical du schéma détermine deux secteurs :

- le premier, dominé par la fonction expressive, invite à privilégier une interrogation sur ce que l'image nous permet de connaître du destinateur (l'auteur, son temps, etc.) ;

- le second, dominé par la fonction injonctive, conduit plutôt à étudier l'effet produit par l'image sur le destinataire.

3.2. Du point de vue de la pratique de la classe

Le choix des techniques d'exploitation en classe (présentation ou sensibilisation, repérage, méthode interrogative ou travaux d'équipes ou de groupes, « trace écrite » ou enregistrement des « lectures » spontanées, etc.) ne peut être fait, jusqu'à plus ample informé, qu'empiriquement, compte tenu :

- des lignes de force de l'image ;

- de la classe : élèves et professeur ; 

- du contexte pédagogique : progression.

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4. Intérêt et limites de la typologie proposée

4.1. Une typologie est un moyen et non une fin

Le tableau de référence n'impose pas de « tiroirs » où l'on devrait ranger, de force si nécessaire, toutes les images du passé, du présent et de l'avenir.

Il doit au contraire être considéré comme une boussole, un tableau de bord, une table d'orientation permettant au professeur de se situer par rapport au document particulier qu'il souhaite étudier, et de choisir ses moyens d'approche, en se posant quelques bonnes questions, qui portent sur les fonctions de l'image, et non sur celles du langage.

Remarquons aussi que cette typologie ne peut s'appliquer mécaniquement et que l'objectif du professeur n'est pas d'en montrer les vertus, mais de permettre aux élèves de porter un regard critique sur l'image, de l'aider à s'en distancier, de mieux comprendre les œuvres qu'il aime et d'élargir son goût et son horizon.

Notons enfin que le schéma de la communication ne rend pas intégralement compte, en dépit de la fonction expressive, du fonctionnement du langage et de l'image : l'imagerie religieuse et souvent la photo de famille sont l'objet d'un culte qui relève d'autre chose que de la communication au sens strict.

4.2. Les fonctions de l'image et la notion de genres

Les règles qu'un genre impose aux artistes ne rendent que très partiellement compte du fonctionnement de l'image.

On n'est donc pas parti des genres picturaux, cinématographiques ou télévisuels, qui peuvent donner lieu, par exemple, à la constitution de dossiers, à la préparation de panneaux, d'exposés... ou d'hypertextes, destinés au public de la classe ou à un public extérieur à elle : C.D.I., familles, expositions ou journaux locaux... (Voir ci-dessus l'image comme objet à produire)

 

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