Le Salon de 1859
Dans Le Public moderne et la photographie, Baudelaire se livre d'abord à une longue préparation à propos de la peinture :
- condamnation du bluff de ceux qui ne sont pas naturellement peintres, et cherchent à étonner par des titres étranges : Amour et Gibelotte - Monarchique, catholique et soldat - Toujours et jamais... : - réquisitoire contre le progrès. Selon lui, l'artiste et le public rivalisent de bêtise : « Aussi admirons avec quelle rapidité nous nous enfonçons dans la voie du progrès (j'entends par progrès la diminution progressive de l'âme et la domination progressive de la matière), et quelle diffusion merveilleuse se fait tous les jours de l'habileté commune, de celle qui peut s'acquérir avec de la patience. » : - la faute en est au public français chez qui « Le goût exclusif du Vrai opprime ici et étouffe le goût du Beau. »
Ce qui l'amène à prendre parti contre la photographie :
- Baudelaire condamne certaines de ses applications grotesques (scènes historiques ou légendaires) ou commerciales (exploitation d'un érotisme de bas étage) ; - il la réduit, avec beaucoup de fougue, au rôle « d'humble servante » des arts et des sciences ; - il affirme que toute incursion de cette « industrie » dans les domaines de l'imaginaire et de la poésie est sacrilège ; - il croit pouvoir constater que l'effet le plus tangible de la photographie, à son époque, est d'amener les peintres à une attitude servile devant « la réalité extérieure ».
Ce jugement sans appel aura une grande influence sur les milieux français cultivés. Un étrange roman de l'écrivain belge Georges Rodenbach, Bruges-la-Morte (1892), réédité en 1998 (GF Flammarion), reçoit un accueil favorable malgré les belles photos dont il est illustré. On trouve chez Proust l'écho de cette prévention, et il faut attendre le surréalisme (André Breton illustre par des photographies son roman Nadja, et accueille à bras ouverts les photographes) pour que ce préjugé soit levé. |