Balzac et la photographie
Grand amateur de sciences occultes (magnétisme, télépathie...), Honoré de Balzac fait en 1847, dans Le Cousin Pons, l'apologie de la cartomancie :
« En ne regardant que le côté possible de la divination, croire que les événements antérieurs de la vie d'un homme, que les secrets connus de lui seul peuvent être immédiatement représentés par des cartes qu'il mêle, qu'il coupe et que le diseur d'horoscope divise en paquets d'après des lois mystérieuses, c'est l'absurde ; mais c'est l'absurde qui condamnait la vapeur, qui condamne encore la navigation aérienne, qui condamnait les inventions de la poudre, de l'imprimerie, des lunettes, de la gravure et, la dernière, la daguerréotypie. Si quelqu'un fut venu dire à Napoléon qu'un édifice et un homme sont incessamment et à toute heure, représentés par une image dans l'atmosphère, que tous les objets existants ont un spectre insaisissable, perceptible, il aurait logé cet homme à Charenton [...] Et c'est là, cependant, ce que Daguerre a prouvé par sa découverte. »
Nadar, grand ami de l'écrivain, a rapporté après sa mort (1850) une conversation qui montre son attachement à ces idées : « Selon Balzac, chaque corps de la nature se trouve composé d'une série de spectres, en couches superposées à l'infini, foliacées en pellicules infinitésimales, dans tous les sens où l'optique perçoit ce corps. L'homme à jamais ne pouvant créer - c'est-à-dire, d'une apparition de l'impalpable, constituer une chose solide, ou de rien, faire une chose - chaque opération daguerrienne venait donc surprendre, détachait et retenait en se l'appliquant, une des couches du corps objecté. De là, pour ledit corps, et à chaque opération renouvelée, perte évidente d'un des spectres, c'est-à-dire d'une partie de son essence constitutive. Y aurait-il perte absolue, définitive, ou cette déperdition partielle se réparait-elle consécutivement dans le mystère d'un renaissement plus ou moins instantané de la matière spectrale ? Je suppose bien que Balzac, une fois parti, n'était pas homme à s'arrêter en aussi bonne route, et qu'il devait marcher jusqu'au bout de son hypothèse. Mais ce deuxième point ne se trouva pas abordé entre nous. »
Texte cité par Michel Braive (L'Âge de la Photographie, ouvrage cité)
Quoi qu'il en soit, la photographie est venue trop tard pour influencer l'art de Balzac. |