Le grand théoricien de ce mouvement est le Roumain Isidore Isou (1925-2007) qui constitue son groupe dès son arrivée à Paris, en 1945. Poète, peintre et cinéaste, ami de Tristan Tzara, Isou est parti de préoccupations d’ordre poétique. Considérant que tout art se nourrit d’un matériau dont les créateurs varient les arrangements, il en conclut qu’il arrive que toutes les possibilités ayant été explorées, il est nécessaire de changer de matériau : c’est, croit-il, ce qui est advenu à la littérature, qui a épuisé les ressources offertes par les mots. Il est donc nécessaire de lui trouver un nouvel aliment, et ce seront les sons et, en ce qui concerne la peinture et les arts plastiques, les signes graphiques ou « lettres ».On ne citera ici que cet extrait d’un poème :
« Coumquel cozossoro BINIMINIVA BINIMINIVA Coumquel quergl coumquelcanne ! MAGAVAMBAVA ! » Isidore Isou ( Lances rompues pour la dame gothique, 1946)
De 1946 à 1967, Isou publie une vingtaine de manifestes et entreprend d’unifier peinture, sculpture et écriture.
Les passions nées de cette entreprise qui se situe dans la tradition des avant-gardes de l’entre-deux-guerres sont loin d’être éteintes, comme le montrait plaisamment, en 2008, l’avis de Wikipédia à l’article « Lettrisme » :
« Les contributeurs sont enjoints de ne pas participer à une guerre d'édition sous peine de blocage. Cet article a subi récemment une guerre d’édition au cours de laquelle plusieurs contributeurs ont mutuellement annulé leurs modifications respectives. Ce comportement non collaboratif est proscrit par la règle dite des trois révocations. En cas de désaccord, un consensus sur la page de discussion doit être obtenu avant toute modification. »
Dans le sillage d’Isou figurent des poètes comme Maurice Lemaître, et François Dufrêne , des peintres comme Spacagna, Sabatier, Alain Satié ou Curtay ; plusieurs se sont également intéressés à la musique comme Roland Sabatier et Isidore Isou lui-même.
Sur le plan politique, l’un de ses disciples, Guy Debord (1931-1994), fondera, avec certains lettristes et des artistes issus du Bauhaus, l’ Internationale situationniste qui s’est illustrée autour de 1968, dénonçant la « Société du spectacle ». |