Hitler
« Heureux là-bas sur l'onde, et bercé du hasard,
Un pêcheur indolent qui flotte et chante, ignore Quelle foudre s'amasse au centre de César. » (Paul Valéry) Deux portraits du « conquérant à tête de mouche », comme disait Sartre, me paraissent s'imposer parmi ceux que nous ont légués ses contemporains, et tous deux datent de 1939. Le premier est celui du Great Dictator de Charlie Chaplin qui, au grand scandale du réfugié Fritz Lang qui avait dû fuir le régime, trouvait les cérémonies nazies du plus haut comique et s'en est expliqué par ce film. Le second est Die Augenzeuge (Le Témoin oculaire), d'Ernst Weiss. Tous deux s'accordent sur la médiocrité et l'aliénation de ce personnage. On peut rêver d'un univers parallèle où sa carrière aurait été brisée dans l'œuf par quelque accident de parcours – blessure de guerre ou assassinat, par exemple. Mais il aurait fallu modifier bien d'autres paramètres pour que la face du monde en fût changée. De tels hommes ne sont que les points géométriques où, comme dit Valéry, la « foudre s'amasse », celle qui provient des vieilles haines, frustrations et rancunes des hommes, quand des circonstances exceptionnelles les portent à l'incandescence. |