Faut-il s'indigner ?

On n'est jamais assez prudent, surtout quand on écrit. Dans mon dernier article, je me référais sans l'avoir lu au brûlot de Stéphane Hessel dont je n'avais retenu que le titre et de premiers commentaires. La lecture dans le blog de Pierre Assouline de l'article  A-t-on le droit de ne pas s'indigner avec Stéphane Hessel ? m'oblige à rappeler les distances que j'ai toujours prises vis-à vis des imprécations de ce fougueux nonagénaire contre Israël.

Non que je sois en phase avec Pierre Assouline quand il juge ringard « le programme du Conseil national de la Résistance » parce que « depuis son adoption le 15 mars 1944, la France a un peu changé et qu’il ne suffit plus de réclamer "une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours", revendication qui paraît un peu courte aujourd’hui, même pour les syndicalistes les plus chevronnés. » Les travailleurs actuels, déjà surexploités, traités avec le plus grand mépris et exposés à la précarité et au chômage, apprécieront et pourront toujours se consoler du présent à la pensée de l'avenir riant qu'on leur prépare !

Mais enfin, quand il relève cette phrase :  « Aujourd’hui, ma principale indignation concerne la Palestine, la bande de Gaza, la Cisjordanie » je ne puis que m'associer à son commentaire : « Deux pages suivent (2 sur 13, c’est dire la proportion) en défense et illustration du peuple palestinien, attitude légitime et respectable, mais qui contient difficilement la colère haineuse qui altère son flegme poétique chaque fois que, dans un débat, il est question d’Israël. Faisant le décompte des pertes de l’opération "Plomb durci" qui a provoqué la mort de plus d’un millier de gazaouis, il remarque qu’elle a fait "seulement" une cinquantaine de blessés du côté israélien, et on y sent l’ombre d’un regret, d’autant qu’il croit bon d'ajouter cette énormité : "Que des Juifs puissent perpétrer eux-mêmes des crimes de guerre, c’est insupportable". Comme si quoi que ce soit, dans leur qualité, leur passé, leur souffrance, devait les préserver, les immuniser ou leur interdire de se comporter salement comme tous les hommes sous toutes les latitudes en tous temps car toute guerre est une sale guerre. » Cet acharnement contre le seul Israël, comme si toutes les autres nations, à commencer par la France, respectaient ou avaient toujours scrupuleusement respecté les droits de l'homme, disqualifie de tels défenseurs des droits légitimes des Palestiniens et cette fixation relève, qu'on le veuille ou non, de l'antijudaïsme le plus banal, bien qu'il emprunte  un nouveau masque : après la religion (le peuple qui refuse le culte impérial des Romains, le peuple déicide des chrétiens), la question sociale (tous les banquiers sont juifs, et tous les juifs sont riches) et la race (inférieure), on invoque aujourd'hui les droits de l'homme ; ces droits que beaucoup d'états, qui d'ailleurs contrôlent la commission de l'O.N.U. qui y est consacrée, refusent de reconnaître comme ayant une valeur universelle ! Ces droits que ceux qui s'en réclament violent allègrement dès qu'ils les gênent ! Mais le vieux fonds de haine irrationnelle reste le même.

Reste qu'appeler des citoyens résignés à l'injustice ou cyniques à s'indigner me paraît légitime parce que, quoi qu'en disent Assouline et le  neuropsychiatre Boris Cyrulnik qu'il cite, le froid raisonnement n'a jamais conduit à l'action. Nous ne sommes ni des ordinateurs, ni des animaux à sang froid qui réagissent automatiquement à une impulsion, et seul un  choc émotionnel peut nous amener à nous engager. Et je ne sache pas que l'engagement d'Albert Camus et celui de Raymond Aron, qui furent loin d'être identiques, aient été aveugles ?
Mardi 11 janvier 2011