Le C.C.C.S. (étés 1963, 1964 et 1965)

Cet organisme travaillait au rapprochement des peuples en organisant, avec l'aide des pouvoirs publics, des rencontres entre jeunes du monde entier. Il fonctionnait, en somme, un peu à la manière d'une agence de voyages orientée vers les échanges culturels, mais n'avait pas de but commercial et développait une aide sociale en faveur des plus démunis : des vacances étaient offertes gratuitement ou à prix réduits à des orphelins, et Sarah en avait bénéficié. L'âme en était une vieille Résistante généreuse, Tante Ida, et le directeur un autre Résistant d'origine polonaise, Wetzel, non moins idéaliste, auquel son fils devait succéder plus tard, à l'époque où notre fils est parti en Angleterre avec le C.C.C.S.

Présenté par Lucienne Dassa, je fus accueilli à bras ouverts dans cette grande famille, et chargé de piloter des groupes étrangers en région parisienne puis à travers la France, au cours des grandes vacances, pendant que Sarah s'employait en intérim, pour arrondir nos maigres ressources. J'y ai travaillé trois années de suite, jusqu'à ma mutation à Vaugirard, qui m'a obligé à un recyclage complet pendant tout l'été. La première année, mes principaux groupes furent composés de jeunes cadres de la Sécurité sociale marocaine à qui le roi offrait des vacances à bas prix sous prétexte d'un stage de formation en France, puis d'une troupe de danse folklorique israélienne. Je réussis à mettre en relations mes deux groupes, en invitant les Marocains à assister à un spectacle que les Israéliens donnaient à la Maison des Mines, où logeaient tous nos touristes quand ils étaient à Paris, qui les surprit beaucoup (les filles surtout étaient superbes) : « Ce ne sont pas des juifs ! » répétaient-ils. Puis j'emmenai les deux groupes visiter le zoo de Vincennes, et deux officiers paras se découvrirent à cette occasion et eurent de longues conversations. Cet exploit me valut beaucoup d'estime au C.C.C.S.

La seconde et la troisième année furent surtout consacrées à un périple à travers la France avec un groupe de professeurs de français venus des États-Unis suivre un stage à Toulouse, où j'allais les chercher. À la fin du second voyage, on m'offrit ainsi qu'à une vingtaine de guides une visite au Proche- Orient qui comprenait un séjour au Liban et une excursion en Syrie et en Jordanie jusqu'à la partie de Jérusalem qui était encore arabe. Je téléphonai à Sarah, qui était en vacances avec notre fils à Appoigny pour lui demander son avis, et elle me donna son accord en dépit des conseils de mon père qui s'inquiétait pour notre jeune couple : « Ne le laisse pas partir ! ». Il craignait que je l'abandonne ! De fait, l'éloignement et le changement de vie déstabilisent aisément les couples fragiles, comme je l'ai observé plus tard à l'E.N.N.A.  : les stagiaires provinciaux, séparés de leurs familles, avaient beaucoup de problèmes, surtout les techniciens, issus du monde ouvrier, qui rencontraient des filles très différentes de celles qu'ils avaient connues jusque-là ; de même, notre stage « lourd » en informatique, qui nous replongeait dans la condition étudiante, brisa plusieurs ménages.